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La lourde patte du lion bougeait… Comment pouvait-il être encore en vie, transpercé par trois sagaies ? Ayla vit alors la tête ensanglantée de Loup émerger sous l’énorme membre et elle courut vers lui. Loup parvint à se dégager, saisit la patte entre ses crocs et la secoua avec une telle vigueur qu’Ayla comprit que le sang qui recouvrait son pelage était celui du lion. Jondalar la rejoignit devant le cadavre.

— Je suis désolé que nous ayons dû le tuer, dit-il à mi-voix. C’était un animal magnifique et il ne faisait que défendre les siens.

— Je le regrette également. Il m’a rappelé Bébé, mais nous devions défendre les nôtres, nous aussi. Pense à ce que nous ressentirions si l’un de ces animaux avait tué un enfant.

— Nous pouvons tous deux le réclamer comme proie, seules nos sagaies l’ont atteint. Et tu as aussi tué seule la lionne qui se tenait à côté de lui, ajouta Jondalar.

— Il me semble que j’en ai touché une autre, mais je ne revendiquerai aucune part sur celle-là. Prends ce que tu veux du mâle. De la femelle, je ne demande que la peau et la queue, ainsi que les griffes et les dents, en souvenir de cette chasse.

Ils gardèrent un moment le silence, puis Ayla ajouta :

— J’aimerais leur rendre hommage d’une manière ou d’une autre, manifester mon respect à l’Esprit du Lion des Cavernes et exprimer ma gratitude à mon totem.

— Il est de coutume, quand nous tuons une proie, de demander à son esprit de remercier la Grande Terre Mère de la nourriture qu’Elle nous laisse prendre. Demandons cette fois à l’Esprit du Lion des Cavernes de La remercier de nous avoir permis d’abattre ces lions pour protéger nos familles. Nous pouvons donner de l’eau à ce lion pour que son esprit n’arrive pas assoiffé dans le Monde d’Après. Certains enterrent aussi le cœur, le rendent à la Mère. Je crois que nous devrions faire les deux pour ce grand lion qui a donné sa vie pour défendre sa troupe.

— J’agirai de même pour la lionne qui s’est battue à ses côtés, promit Ayla. Je crois que mon totem m’a protégée, moi et peut-être nous tous. La Mère aurait pu laisser l’Esprit du Lion des Cavernes prendre l’un de nous pour compenser la perte infligée à la troupe. Je Lui suis reconnaissante de ne pas l’avoir fait…

— Ayla, tu avais raison !

La jeune femme se retourna, sourit en voyant le chef de la Neuvième Caverne approcher.

— Tu nous avais avertis : « Un animal blessé est imprévisible. » Nous n’aurions pas dû croire qu’il ne se relèverait pas, fit observer Joharran au reste des chasseurs.

— Ce qui m’a étonné, c’est le loup, dit Palidar.

Il regardait l’animal encore couvert de sang assis aux pieds d’Ayla, la langue pendante.

— Jamais je n’aurais imaginé qu’un loup puisse s’en prendre à un lion des cavernes, blessé ou non.

— Loup protège Ayla, expliqua Jondalar avec un sourire. Quel que soit celui qui la menace, il attaquera.

— Même si c’est toi ?

— Oui.

Le groupe observa un silence gêné, puis Joharran demanda :

— Combien de lions avons-nous abattus ?

— J’en compte cinq, répondit Ayla.

— Ceux qui ont été touchés par plusieurs chasseurs seront partagés.

— Les sagaies plantées dans le grand mâle et dans la femelle à côté appartiennent à Ayla et à moi, déclara Jondalar. Nous les réclamons et nous voulons honorer leurs esprits.

Les autres chasseurs exprimèrent leur accord.

Ayla s’approcha de la lionne qu’elle avait tuée et détacha une outre de sa ceinture. Elle était faite d’une panse de cerf soigneusement lavée dont on avait ligaturé la sortie. L’entrée avait été resserrée autour d’une vertèbre de cerf au pourtour taillé et attachée avec un tendon. Le trou central naturel de ce tronçon d’épine dorsale faisait un embout commode. Le bouchon était une mince lanière de cuir nouée plusieurs fois au même endroit et enfoncée dans la vertèbre. Ayla le défit, prit une gorgée d’eau, s’agenouilla près de la tête de l’animal, écarta les mâchoires et recracha l’eau dans la gueule du fauve.

— Nous te remercions, Doni, Mère de Toutes Choses, et nous remercions l’Esprit du Lion des Cavernes, entonna-t-elle.

Avec les mains, elle fit les signes de la langue rituelle des membres du Clan, celle qu’ils utilisaient lorsqu’ils s’adressaient au Monde des Esprits, et les traduisit à voix haute :

— Cette femme remercie l’Esprit du Grand Lion des Cavernes, son totem, d’avoir permis que quelques créatures vivantes de l’Esprit tombent sous les lances des Zelandonii. Cette femme souhaite exprimer son chagrin pour cette perte. La Mère et l’Esprit du Lion des Cavernes savent qu’elle était nécessaire pour la sécurité des humains, mais cette femme veut quand même témoigner sa reconnaissance.

Les chasseurs qui l’observaient trouvaient que le rite n’était pas accompli exactement de la façon qui leur était familière, mais il leur semblait juste. Il leur faisait aussi comprendre pourquoi leur Zelandoni Qui Était la Première avait fait de cette étrangère son acolyte.

Ayla se tourna vers eux et annonça :

— Je prendrai la peau et la queue, les griffes et les dents.

— Et la viande ? demanda Palidar. Tu n’en veux pas ?

— Non. En ce qui me concerne, les hyènes peuvent s’en repaître. Je n’aime pas le goût de la chair des mangeurs de chair, en particulier celle du lion des cavernes.

— Je n’ai jamais mangé de lion, dit alors Palidar.

— Moi non plus, reconnut Morizan de la Troisième Caverne, qui avait fait équipe avec Galeya.

— Aucune de vos lances n’a atteint sa cible ? leur demanda Ayla.

Elle les vit secouer la tête et reprit :

— Vous pourrez prendre la viande de cette lionne une fois que j’aurai enterré son cœur, mais je vous conseille de ne pas manger son foie.

— Pourquoi ? voulut savoir Tivonan.

— Les membres du Clan qui m’ont élevée pensaient que le foie des carnivores pouvait tuer comme un poison. Ils racontaient l’histoire d’une femme égoïste qui avait dévoré le foie d’un lynx et en était morte. Nous devrions peut-être enfouir le foie avec le cœur.

— Le foie de tous les animaux qui mangent de la viande est mauvais ? demanda Galeya.

— Pas celui des ours, je crois. Ils mangent de la viande mais aussi plein d’autres choses. Les ours des cavernes ont bon goût. J’ai connu des gens qui mangeaient leur foie sans tomber malades.

— Cela fait des années que je n’ai pas vu un ours des cavernes, dit Solaban. Il n’y en a plus beaucoup par ici. Tu en as vraiment mangé ?

— Oui, répondit Ayla.

Elle songea à mentionner que la viande d’ours des cavernes était sacrée pour le Clan, réservée uniquement aux fêtes rituelles, mais se dit que sa remarque susciterait d’autres questions auxquelles il lui faudrait trop de temps pour répondre.

Considérant de nouveau le corps de la lionne, elle soupira : la bête était énorme, l’écorcher demanderait du temps et elle aurait volontiers accepté de l’aide. Les quatre jeunes gens qui l’interrogeaient n’avaient touché aucune bête avec leurs sagaies mais ils avaient pris part à la chasse et s’étaient mis en danger. Elle leur sourit.

— Je vous donnerai une griffe à chacun si vous m’aidez à la dépouiller, promit-elle.

— Je suis d’accord, firent Palidar et Tivonan presque en même temps.

— Moi aussi, enchaîna Morizan.

— Je crois que nous n’avons pas échangé les présentations rituelles, lui dit Ayla.

Elle se tourna vers le jeune homme et tendit les deux bras, les paumes tournées vers le haut, geste de franchise et d’amitié.

— Je suis Ayla, de la Neuvième Caverne des Zelandonii, Acolyte de Zelandoni, Première parmi Ceux Qui Servent la Grande Terre Mère, compagne de Jondalar, Maître Tailleur de Silex et frère de Joharran, l’Homme Qui Commande la Neuvième Caverne des Zelandonii, anciennement fille du Foyer du Mammouth du Camp du Lion des Mamutoï, Choisie par l’Esprit du Lion des Cavernes, Protégée par l’Ours des Cavernes, amie des chevaux Whinney, Rapide et Grise, ainsi que de Loup, le chasseur à quatre pattes…

Cela suffit, pensa-t-elle. Elle avait conscience que la première partie de l’énumération de ses noms et liens était écrasante – ils lui conféraient un haut rang parmi les Zelandonii – et que le reste n’aurait rien évoqué pour le jeune homme.

Il tendit les mains lui aussi et commença à réciter :

— Je suis Morizan, de la Troisième Caverne des Zelandonii…

Il s’interrompit, parut hésiter, puis :

— Fils de Manvelar, l’Homme Qui Commande la Troisième Caverne, cousin…

Ayla se rendit compte qu’il était jeune, peu habitué aux nouvelles rencontres et aux présentations rituelles. Pour lui faciliter les choses, elle conclut :

— Au nom de Doni, la Grande Terre Mère, je te salue, Morizan de la Troisième Caverne des Zelandonii… et je te remercie de ton aide.

— Moi aussi, je veux t’aider, dit Galeya. J’aimerais avoir une griffe en souvenir de cette chasse. Même si je n’ai abattu aucune de ces bêtes, c’était excitant. Un peu effrayant mais excitant.

Ayla eut un hochement de tête compréhensif.

— Alors, commençons. Faites attention en arrachant les griffes ou les dents. Il faut les faire cuire avant de pouvoir y toucher sans danger. Si elles vous égratignent, la blessure peut enfler, suppurer et dégager une odeur nauséabonde.

Levant les yeux, elle vit au loin quelques personnes apparaître devant la roche en saillie. Elle reconnut plusieurs membres de la Troisième Caverne qui ne faisaient pas partie du groupe à l’origine, notamment Manvelar, vieux et vigoureux chef de cette Caverne. Lorsqu’ils eurent rejoint les chasseurs, il s’approcha de Joharran et tendit les deux bras.

— Je te salue, Joharran, Homme Qui Commande la Neuvième Caverne des Zelandonii, au nom de Doni, la Grande Terre Mère.

Prenant les deux mains de Manvelar dans les siennes, Joharran lui adressa en retour la formule habituelle entre chefs :

— Au nom de la Grande Terre Mère Doni, je te salue, Manvelar, Homme Qui Commande la Troisième Caverne.

— Ceux que tu nous as renvoyés, Joharran, nous ont raconté ce qui se passait. Nous avions repéré les lions, ils venaient régulièrement par ici et nous nous demandions quoi faire. Le problème est résolu. Je vois quatre… non, cinq bêtes abattues en comptant le mâle. Les femelles devront en trouver un autre, maintenant. Ou plusieurs, si elles se séparent. La troupe en sera totalement transformée. Je ne crois pas qu’ils reviendront nous ennuyer de sitôt. Nous vous remercions.

— Nous ne pouvions pas passer devant ces lions sans courir de risques et ils menaçaient aussi les Cavernes voisines. Nous avons décidé de les faire déguerpir, d’autant que nous avions parmi nous plusieurs chasseurs capables d’utiliser un lance-sagaie. Heureusement, d’ailleurs. Gravement blessé, le grand mâle a continué à nous attaquer.

— La chasse au lion des cavernes est dangereuse. Qu’allez-vous faire de ces bêtes ?

— Chacun a réclamé sa part des peaux, des dents et des griffes. Certains veulent goûter leur chair.

Manvelar plissa le nez.

— Elle est forte. Nous vous aiderons à les écorcher, mais cela prendra du temps. Passez donc la nuit chez nous, nous enverrons un messager prévenir la Septième Caverne de votre retard.

— Je te remercie, Manvelar.

 

 

La Troisième Caverne offrit un repas aux visiteurs de la Neuvième avant qu’ils repartent, le lendemain matin. Joharran, Proleva, Jaradal et Sethona, le fils et le bébé de Proleva, étaient assis avec Jondalar, Ayla et leur enfant sur la plate-forme rocheuse ensoleillée et admiraient la vue en mangeant.

— Morizan semble s’intéresser à l’amie de Folara, Galeya, chuchota Proleva, qui regardait le groupe de jeunes gens non encore unis avec l’œil indulgent d’une sœur aînée déjà mère.

— Elle lui a servi de soutien hier pendant la chasse, souligna Jondalar avec un sourire. Chasser ensemble et dépendre de l’autre peut rapidement créer un lien particulier. Ils ont aidé Ayla à écorcher sa lionne et elle leur a donné une griffe à chacun. Ils ont eu si vite fini qu’ils sont venus m’aider et je leur ai aussi donné une petite griffe.

— Alors c’est de cela qu’ils étaient si fiers, hier soir, autour du panier à cuire, dit Proleva.

— Je peux avoir une griffe, moi aussi ? demanda le petit Jaradal.

— Ce sont des souvenirs de chasse, lui répondit sa mère. Quand tu seras assez grand pour chasser, tu en auras.

— Je lui en offrirai une, dit Joharran en souriant au fils de sa compagne. J’ai abattu une lionne, moi aussi.

— C’est vrai ? s’exclama le garçon de six ans. Et je peux avoir une griffe ? Oh, quand je la montrerai à Robenan !

— Fais-la cuire avant de la lui donner, intervint Ayla.

— C’est ce que Galeya et les autres ont fait hier soir, expliqua Jondalar. Ayla y tenait absolument.

— Pourquoi ça ? demanda Proleva.

— Quand j’étais petite, avant d’être recueillie par le Clan, j’ai été griffée par un lion des cavernes. C’est de là que viennent les cicatrices sur ma jambe. Je me souviens que ma jambe est longtemps restée douloureuse et enflée. Le Clan aimait aussi garder des dents et des griffes d’animaux. L’une des premières choses qu’Iza m’a recommandées quand elle m’apprenait à devenir femme-médecine, c’est de les faire cuire avant de les manipuler. D’après Iza, elles étaient pleines d’esprits mauvais et la chaleur de la cuisson les en chassait.

— Rien d’étonnant quand on pense à ce que ces animaux font de leurs griffes, commenta Proleva. Je veillerai à faire cuire la griffe de Jaradal.

— Cette chasse au lion a fait la preuve de l’efficacité de ton arme, dit Joharran à son frère. Ceux qui n’avaient que des sagaies auraient probablement su se défendre si les lions s’étaient approchés davantage, mais les seules bêtes abattues l’ont été par des lance-sagaies. Je crois que cela en encouragera d’autres à s’en servir.

Manvelar les rejoignit.

— Vous pouvez laisser les peaux de lion ici, vous les prendrez à votre retour, suggéra-t-il. Nous les garderons au fond de l’abri inférieur, il y fait assez frais pour qu’elles se conservent quelques jours. Vous les traiterez lorsque vous serez rentrés chez vous.

La haute falaise calcaire devant laquelle ils étaient passés avant la chasse – appelée Rocher des Deux Rivières parce qu’elle s’élevait au confluent de la Rivière des Prairies et de la Rivière – présentait, l’une au-dessus de l’autre, trois corniches découpées formant des surplombs protecteurs. La Troisième Caverne utilisait les trois refuges de pierre mais vivait surtout dans le grand abri du milieu, qui offrait un vaste panorama sur les deux cours d’eau et les environs de la falaise. Les deux autres servaient principalement de resserres.

— Cela nous aiderait, répondit Joharran. Nous avons beaucoup à porter, avec les bébés et les enfants, et nous avons déjà pris du retard. Si ce voyage au Rocher à la Tête de Cheval n’avait pas été prévu depuis quelque temps, nous ne l’aurions pas entrepris. Après tout, nous verrons tout le monde à la Réunion d’Été et nous avons encore beaucoup à faire avant de partir. Mais la Septième Caverne tenait absolument à la visite d’Ayla, et Zelandoni voulait lui montrer la Tête de Cheval. Comme c’est tout près, le groupe veut aussi aller au Foyer Ancien rendre visite à la Deuxième Caverne et voir les ancêtres gravés dans la paroi de leur grotte inférieure.

— Où est la Première parmi Ceux Qui Servent la Grande Terre Mère ? s’enquit Manvelar.

— Elle est déjà là-bas depuis quelques jours. Elle s’entretient avec plusieurs membres de la Zelandonia d’une question liée à la Réunion d’Été.

— À ce propos, vous pensez partir quand ? Nous pourrions voyager ensemble.

— J’aime partir tôt. Avec une Caverne aussi nombreuse, il faut du temps pour trouver un endroit où camper. Et nous devons aussi penser aux animaux, maintenant. Je me suis déjà rendu à la Vingt-Sixième Caverne, mais je ne connais pas vraiment la région.

— C’est une vaste étendue plate au bord de la Rivière de l’Ouest, dit Manvelar. Elle peut accueillir de nombreux abris d’été, mais je ne crois pas que ce soit un bon endroit pour des chevaux.

— Le lieu que nous avions choisi l’année dernière me plaisait, même s’il était loin de toutes les activités, mais je ne sais pas ce que nous trouverons cette année. J’avais envisagé de partir plus tôt en reconnaissance, puis nous avons eu les fortes pluies de printemps et je n’ai pas voulu patauger dans la boue, expliqua Joharran.

— Si cela ne vous dérange pas d’être un peu à l’écart, il y a peut-être un endroit tranquille plus près de Vue du Soleil, le refuge de la Vingt-Sixième Caverne. Il est situé près de la rive de l’ancien lit de la rivière, un peu en retrait du lit actuel.

— Nous pouvons essayer. J’enverrai un messager une fois que nous aurons fixé le jour du départ. Si la Troisième Caverne veut nous accompagner, nous voyagerons ensemble. Tu as de la famille là-bas, non ? Tu as un itinéraire en tête ? Je sais que la Rivière de l’Ouest coule dans la même direction que la Rivière, ce n’est pas difficile à trouver. Il suffit de descendre vers le sud jusqu’à la Grande Rivière puis de marcher vers l’ouest jusqu’à la Rivière de l’Ouest et de la suivre en allant vers le nord, mais si tu connais un chemin plus direct…

— J’en connais un, répondit Manvelar. Tu sais que ma compagne était de la Vingt-Sixième Caverne et nous visitions souvent sa famille quand les enfants étaient plus jeunes. Je n’y suis pas retourné depuis sa mort et j’attends avec impatience la Réunion d’Été pour retrouver des parents que je n’ai pas vus depuis un moment. Morizan, son frère et sa sœur ont des cousins là-bas.

— Nous en reparlerons lorsque nous reviendrons prendre les peaux de lion. Merci pour l’hospitalité de la Troisième, Manvelar, dit Joharran en se tournant pour partir. Nous devons nous mettre en route. La Deuxième Caverne nous attend et Zelandoni Qui Est la Première connaît une grotte qu’elle veut montrer à Ayla.

 

 

Les premières pousses du printemps avaient apporté une touche émeraude à la terre brune en train de dégeler. À mesure que la saison courte avançait, que croissaient les tiges et les feuilles, de riches prairies remplaçaient les couleurs froides dans les plaines d’inondation des rivières. Ondulant au vent chaud du début de l’été, le vert de la pousse rapide faisant place à l’or de la maturité, les prés qui donnaient leur nom aux rivières s’étendaient devant eux.

Le groupe de voyageurs de la Neuvième Caverne et quelques-uns de la Troisième longèrent la Rivière des Prairies en revenant sur leurs pas de la veille. L’un derrière l’autre, ils contournèrent le rocher en saillie en suivant le sentier passant entre l’eau claire de la Rivière des Prairies et la falaise. Un peu plus loin, ils purent avancer à deux ou trois de front.

Ils prirent le sentier qui menait au gué et qu’on appelait déjà « le Lieu de la Chasse aux Lions ». La disposition naturelle des rochers ne permettait pas de traverser facilement. C’était une chose pour des jeunes gens de sauter d’une pierre glissante à une autre, c’en était une autre pour une femme enceinte ou portant un enfant contre sa poitrine, ou des ballots de vivres, de vêtements, d’outils, ou pour des hommes et des femmes plus âgés. On avait donc placé d’autres rochers entre ceux que l’eau basse ne recouvrait pas pour raccourcir les espaces à enjamber. Après qu’ils furent tous passés de l’autre côté de l’affluent, ils purent de nouveau marcher à deux ou trois de front.

Morizan attendit Jondalar et Ayla, qui fermaient la marche devant les chevaux. Après un bref échange de salutations, le jeune homme dit à Jondalar :

— Je ne me doutais pas que ton lance-sagaie pouvait être aussi utile. Je m’étais exercé, mais voir Ayla et toi vous en servir m’a révélé son efficacité.

— C’est Manvelar qui t’avait conseillé de t’y mettre, ou l’idée venait de toi ?

— Elle est venue de moi, mais une fois que j’ai commencé il m’a encouragé. Il a dit que je donnais le bon exemple. Pour être franc, je m’en fichais un peu, j’avais juste envie d’apprendre à me servir de cette arme.

Jondalar lui sourit. Il avait pensé que les jeunes seraient peut-être les premiers à adopter le lance-sagaie et la réaction de Morizan correspondait exactement à ce qu’il espérait.

— C’est bien. Plus tu t’entraîneras, plus tu deviendras adroit. Ayla et moi l’utilisons depuis longtemps : pendant le long voyage de retour et plus d’une année avant ça. Comme tu l’as constaté, les femmes peuvent aussi s’en servir habilement.

Ils remontèrent un moment la Rivière des Prairies, parvinrent à un affluent appelé la Petite Rivière des Prairies. Tandis qu’ils continuaient à se diriger vers l’amont, Ayla nota un changement dans l’air, une fraîcheur humide chargée d’odeurs fortes. L’herbe elle-même était d’un vert plus foncé et par endroits le sol devenait mou. Le sentier contourna une région marécageuse de roseaux et de joncs tandis qu’ils traversaient la vallée luxuriante et approchaient d’une falaise calcaire.

Plusieurs personnes attendaient devant, notamment deux jeunes femmes auxquelles Ayla sourit quand elle les découvrit. Elles s’étaient toutes unies aux mêmes Matrimoniales à la Réunion d’Été de l’année précédente et elle se sentait particulièrement proche d’elles.

— Levela ! Janida ! J’avais hâte de vous revoir, dit-elle en se dirigeant vers elles. J’ai appris que vous aviez toutes deux décidé d’aller vivre à la Deuxième Caverne…

— Ayla ! s’écria Levela. Sois la bienvenue au Rocher à la Tête de Cheval. Nous sommes venues ici avec Kimeran pour ne pas avoir à attendre que tu rendes visite à la Deuxième. Quelle joie de te revoir !

— Oh, oui, approuva Janida. Moi aussi, je suis heureuse de te retrouver.

Elle était beaucoup plus jeune que Levela et plutôt timide, mais son sourire était chaleureux.

Les trois jeunes femmes s’étreignirent, en prenant cependant quelques précautions. Ayla et Janida portaient leurs bébés contre leurs poitrines et Levela était enceinte.

— Il paraît que tu as eu un garçon, dit Ayla à Janida.

— Oui, je l’ai appelé Jeridan, répondit Janida en montrant son bébé.

— Moi, c’est une fille, elle s’appelle Jonayla.

L’enfant s’était réveillée et Ayla la tira de la couverture à porter puis regarda l’autre bébé.

— Oh, il est magnifique. Je peux le prendre ?

— Bien sûr, et moi, je veux prendre ta fille dans mes bras.

— Donne-moi ton bébé, Ayla, proposa Levela. Tu pourras prendre Jeridan et je donnerai ensuite… Jonayla, c’est ça ? à Janida.

Les deux femmes échangèrent leurs enfants et les câlinèrent.

— Tu sais que Levela est enceinte, n’est-ce pas ? dit Janida.

— Je le vois. Quand à peu près accoucheras-tu ? J’aimerais être auprès de toi, et Proleva aussi, j’en suis sûre.

— Je ne sais pas au juste, encore quelques lunes. Je serais très contente que tu sois là, et ma sœur aussi, répondit Levela. Mais tu n’auras pas à venir ici, nous serons toutes probablement à la Réunion d’Été.

— Tu as raison. Zelandoni la Première y sera aussi et elle sait remarquablement aider une femme à accoucher.

— Cela fera peut-être trop, remarqua Janida. Tu ne voudras peut-être pas que je sois là aussi, je n’ai pas beaucoup d’expérience. J’aimerais quand même être auprès de toi, Levela, comme tu l’as été pour moi. Mais je comprendrai si tu préfères quelqu’un que tu connais depuis plus longtemps.

— Bien sûr que je te veux auprès de moi, Janida. Et Ayla aussi. Nous avons eu les mêmes Matrimoniales, cela crée un lien.

Ayla comprenait les sentiments que Janida avait exprimés et s’était demandée elle aussi si Levela ne souhaitait pas la présence d’amies plus anciennes pour son accouchement. Elle éprouva une vague d’affection pour la jeune femme et sentit les larmes qu’elle retenait lui picoter les yeux. En grandissant, Ayla n’avait pas eu beaucoup d’amies. Les filles du Clan s’unissaient très jeunes et Oga, celle dont elle aurait pu être proche, était devenue la compagne de Broud. Il ne l’avait pas laissée nouer une amitié avec une fille de ces Autres qu’il en était venu à haïr. Ayla aimait beaucoup Uba, la fille d’Iza, sa sœur de Clan, mais Uba était tellement plus jeune qu’Ayla que c’était plus une fille pour elle qu’une amie. Et si les autres femmes avaient fini par l’accepter, et même par l’aimer, elles ne l’avaient jamais comprise. Ce n’était qu’en allant vivre chez les Mamutoï et en faisant la connaissance de Deegie qu’elle avait connu la joie d’avoir une amie de son âge.

— À propos de Matrimoniales et de compagnons, où sont Jondecam et Peridal ? demanda Ayla. Jondalar se sent également uni à eux par un lien spécial et il se réjouit de les revoir.

— Eux aussi, répondit Levela. Jondalar et son lance-sagaie : ils ne parlent que de ça depuis que nous avons appris que vous viendriez.

— Vous savez que Tishona et Marsheval vivent à la Neuvième Caverne, maintenant ? dit Ayla, faisant référence à un autre couple qui s’était uni en même temps qu’elles. Ils ont essayé de vivre à la Quatorzième mais Marsheval était si souvent à la Neuvième – ou dois-je dire à En-Aval ? – pour apprendre à sculpter l’ivoire de mammouth qu’ils ont décidé de s’y installer.

Les Zelandonia restaient à l’écart tandis que le trio continuait à bavarder. La Première remarqua la facilité avec laquelle Ayla participait à la conversation, comparait les bébés et parlait avec enthousiasme de tout ce qui intéressait les jeunes femmes qui avaient des enfants ou en attendaient un. Elle avait commencé à enseigner à Ayla les rudiments du savoir qui lui serait nécessaire pour devenir une Zelandoni à part entière et la jeune femme était sans nul doute une élève appliquée et douée, mais la Première se rendait compte maintenant qu’Ayla pouvait se laisser aisément détourner de l’essentiel. Jusqu’ici, la Première l’avait laissée profiter de sa nouvelle vie de mère et de compagne. Le moment était peut-être venu de la soumettre à une pression plus forte, de l’impliquer davantage pour qu’elle choisisse de son plein gré de consacrer plus de temps à son apprentissage.

— Il faut y aller, Ayla, dit la Première. Je voudrais te montrer la grotte avant que nous soyons trop prises par les repas, les visites et les rencontres.

— C’est juste. J’ai laissé Loup et les trois chevaux à Jondalar, mais nous devons leur trouver un endroit. Je suis sûr qu’il a des gens à voir, lui aussi.

Elles se dirigèrent vers la paroi calcaire à pic. Le soleil couchant la baignait de sa lumière, rendant presque invisible le feu allumé à proximité de l’entrée de la grotte. Chacun des Zelandonia prit une des torches appuyées contre la roche et l’alluma. Ayla pénétra à leur suite dans le trou sombre et frissonna lorsque l’obscurité l’enveloppa. L’air était soudain devenu frais et humide mais ce n’était pas le brusque changement de température qui causait ses frissons. Ayla éprouvait toujours un peu d’appréhension quand elle entrait dans une grotte inconnue.

L’ouverture n’était pas large mais suffisamment haute pour qu’on ne soit pas obligé de se baisser pour la franchir. Ayla avait elle aussi allumé une torche dehors et la tenait devant elle de la main gauche, s’appuyant de la droite à la roche rugueuse pour garder l’équilibre. Contre sa poitrine, Jonayla était toujours éveillée et Ayla écarta la main de la paroi pour la tapoter et la rassurer.

Regardant autour d’elle, elle constata que la grotte, quoique peu étendue, était naturellement divisée en plusieurs espaces.

— C’est dans la salle suivante, dit la Zelandoni de la Deuxième Caverne, une grande femme blonde un peu plus âgée qu’Ayla.

La Zelandoni Qui Était la Première parmi Ceux Qui Servaient la Grande Terre Mère laissa Ayla prendre le sillage de la femme qui les précédait.

— Passe devant, suggéra la Première en écartant sa masse considérable. Je l’ai déjà vue.

Un homme âgé fit de même.

— Moi aussi, je l’ai vue, dit-il. De nombreuses fois.

Ayla remarqua combien le vieux Zelandoni de la Septième Caverne ressemblait à la femme qui ouvrait la marche. Il était grand, lui aussi, un peu voûté, et ses cheveux étaient plus blancs que blonds.

La doniate de la Deuxième Caverne tenait haut sa torche pour éclairer le chemin. Ayla l’imita. Elle crut distinguer au passage des dessins sur les parois, mais comme personne ne s’était arrêté pour les lui montrer, elle n’en était pas sûre. Quelqu’un se mit à chanter et Ayla reconnut la voix profonde et mélodieuse de la Première. Elle résonna dans la petite salle et plus encore quand ils eurent pénétré dans la suivante. Bouche bée, Ayla contempla la paroi éclairée par les torches.

Elle ne s’attendait pas à tant de beauté. Le profil de tête de cheval gravé dans la roche semblait en jaillir et l’animal était représenté de manière si réaliste qu’il paraissait presque vivant. C’était une tête plus grande que nature ou appartenant à une bête beaucoup plus grande que toutes celles qu’Ayla avait vues, mais elle connaissait bien les chevaux et les proportions étaient parfaites. La forme de la mâchoire, l’œil, l’oreille, les naseaux frémissants : tout était exactement comme dans la réalité. Et à la lumière tremblotante des torches l’animal semblait bouger, respirer.

Ayla expira bruyamment : elle ne s’était pas rendu compte qu’elle avait retenu sa respiration.

— Ce cheval est parfait, sauf qu’il n’y a que la tête ! s’exclama-t-elle.

— C’est pour ça qu’on appelle la Septième Caverne le Rocher à la Tête de Cheval, expliqua le vieil homme, qui se tenait juste derrière elle.

Ayla fixa un moment l’image avec émerveillement, tendit la main pour la toucher, sans même se demander si elle pouvait le faire. Elle était fascinée. Elle posa la paume sur le côté de la mâchoire, comme elle l’aurait fait avec un cheval vivant. Au bout d’un moment, la pierre froide se réchauffa, comme si l’image voulait devenir vivante et surgir de la paroi. Ayla laissa retomber sa main et la Première cessa de chanter.

— Qui l’a gravée ? demanda Ayla.

— Nul ne le sait, répondit la Première, entrée après le Zelandoni de la Septième Caverne. C’était il y a si longtemps que personne ne s’en souvient. Un des Anciens, bien sûr, mais nous n’avons aucune Légende ou Histoire pour nous dire qui.

— Il s’agit peut-être du graveur qui a fait la Mère du Foyer Ancien, hasarda la Zelandoni de la Deuxième Caverne.

— Qu’est-ce qui te fait penser ça ? répliqua le vieillard. Les deux images sont totalement différentes. L’une représente une femme tenant dans la main une corne de bison, l’autre une tête de cheval.

— Je les ai étudiées, la technique est comparable, assura-t-elle. Tu vois comme le nez, la bouche, la mâchoire de ce cheval sont soigneusement gravés ? Lorsque tu iras là-bas, regarde les hanches de la Mère, la forme du ventre. Je connais des femmes qui ont exactement ce corps-là, surtout celles qui ont eu des enfants. Comme cette tête de cheval, la femme gravée qui représente Doni dans la grotte du Foyer Ancien reproduit fidèlement la vie.

— Ta remarque est très perspicace, la complimenta Celle Qui Était la Première. Quand nous irons au Foyer Ancien, nous suivrons ton conseil.

Ils demeurèrent un moment encore en silence devant la tête de cheval puis la Première reprit :

— Nous devons y aller. Il y a d’autres gravures dans cette grotte mais nous les verrons plus tard. Je voulais qu’Ayla voie la tête de cheval avant que nous soyons prises par les obligations de la visite.

— Je suis contente de ta décision, dit Ayla. Jamais je n’aurais imaginé qu’une gravure dans la pierre puisse paraître si vraie.

Le Pays Des Grottes Sacrées
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